Villeberny
L'affaire Werner
cimetière de Villeberny
Photo JM Bordet
Photo JM Bordet
Photo JM Bordet
Photo JM Bordet
Deux des victimes de l'affaire Werner sont inhumés au cimetière de Villeberny : René YAOUANC et Émile GUEDENEY (voir ci-dessous les allocutions prononcées lors de leurs obsèques par Victor CHAUDRON, alias LEMOINE, membre du maquis BERNARD).
Au début de l’année 1944, l’affaire Werner a plongé la vallée de l’Ozerain dans la terreur. Elle a pour origine la prise en otage et l’exécution du major Werner, chef de la police de sécurité allemande, par un groupe de résistants du maquis Bernard. Une répression impitoyable s’est alors enclenchée : pillages de fermes, exécution de 5 otages le 23 février (voir liste ci-dessous), arrestations et rafles principalement dans la vallée de l’Ozerain (Chevannay, Villy-en-Auxois, Villeberny, Etalante, Jailly-les-Moulins, Flavigny-sur-Ozerain, Saint-Mesmin, Ecorsaint), mais aussi à Pont-de-Pany, à Dijon, à Vitteaux et à Frolois. En tout plus d’une centaine de personnes sont arrêtées. 16 d’entre elles passent en jugement devant une cour martiale le 29 février 1944 dans la Salle des Etats (Palais des Ducs et des États de Bourgogne à Dijon). La condamnation à mort est prononcée pour 15 accusés. Ils seront exécutés au stand de tir de Montmuzard le 1er mars. Leurs noms sont inscrits sur les murs du stand de tir Montmuzard. Le 16ème accusé sera déporté. En tout 28 personnes subiront la déportation. 12 ne reviendront pas (voir rubrique "Morts en déportation").
Voir également la fiche "Jailly-les-Moulins" et la fiche "Villy-en-Auxois"
Voir dans "Documentation" "Repères et références" la rubrique consacrée à l'affaire Werner
Médaillon souvenir salle des états - Musée de la Résistance en ligne
Témoignage filmé de Victor Chaudron - memoresist.org
Voir dans la rubrique "Films" :
- le court métrage "l'affaire Werner"
- les témoignages filmés de victimes déportées suite à l’affaire Werner (Rose Richard et Pierre Jobard) dans le film documentaire « Les Flammes de la mémoire » Production ville de Chenôve. Réalisation Jean-Marc Bordet - 84’ - 2011
Les condamnés fusillés :
Exécutés comme otages le 23 février 1944 suite à l’assassinat du Major Werner :
Hommage de Victor CHAUDRON à Émile GUEDENEY :
Mes chers compatriotes,
Si je me permets de prendre la parole devant la dépouille de notre cher camarade, c’est que je suis le seul présent du groupe René ROMENTEAU, dont il faisait partie sous le nom de DANSIN. Il m’est donc possible de classer notre camarade dans les rangs de l’armée secrète.
Je ne veux citer pour caractériser sa conduite que des paroles qu’il prononçait lui-même devant notre chef de compagnie. « Je suis à votre disposition, et pour tout ce dont vous aurez besoin, vous pouvez compter sur moi ». Ces quelques mots qui peuvent paraître bien simples et bien naturels sont en réalité à mon sens, un engagement au sacrifice et au dévouement total à une cause. Cet engagement, il le renouvelait solennellement quelques jours plus tard lors de notre prestation de serment. Je le revois en cette nuit de novembre, au milieu de nous tous très jeunes, partageant notre enthousiasme, notre ardeur, et même notre gaieté. Sa bonne humeur était en effet bien connue.
Puis se furent ensuite les jours de lutte, lutte sournoise pénible dans la clandestinité. Ses 45 ans avaient épargné à Emile GUEDENEY les marches et les longues missions de nuit. Cependant nous le trouvions toujours prêt à chaque retour de sabotage à héberger et à ravitailler ceux qui rentraient après de longues marches. Son dévouement était sans bornes malgré les dangers que lui faisaient courir ses activités. Je pourrais certes citer ici beaucoup d’exemples concrets, je ne le ferai pas car il ne m’appartient pas de dévoiler ici en public les secrets que comportaient notre lutte clandestine.
Mais ce que je puis affirmer énergiquement s’est que nous avons ici devant nous les restes d’un véritable héros. Qu’est-ce qu’un héros ? C’est faire des actions d’éclat sur un champ de bataille balayé par la mitraille au milieu des fanfares et du sifflement des balles. C’est là l’apanage d’un petit nombre, et je dirai alors qu’un héros c’est plus exactement celui qui n’hésite pas à tout donner même sa vie pour une noble cause, et cela dans quelques circonstances que ce soit ! Noble elle l’était certes notre cause puisqu’il s’agissait de la Libération de notre chère Patrie Et pour cette cause notre camarade a en effet tout donné. Je n’insisterai pas l’esprit de sacrifice qu’il manifestait déjà pour ravitailler et aider les groupes de francs-tireurs. C’est cependant déjà beaucoup, cela frise déjà l’héroïsme en effet pour un homme de 45 ans que d’accepter volontairement de vivre cette vie que nous avons vécue depuis 10 mois, que d’entrer dans cette armée secrète alors que les sinistres cars de la Gestapo sillonnaient nos routes, alors que les arrestations et les exécutions se multipliaient alors que notre jeune camarade Regnet fait prisonnier aux Laumes était écartelé et sauvagement achevé dans les geôles de la Gestapo. Emile GUEDENEY aurait certes pu comme tant d’autres rester au coin de son feu et dire de cela c’est l’affaire des jeunes, celle de mon voisin. Il ne l’a pas fait, il fit même beaucoup mieux. En effet lors de la triste et malheureuse histoire WERNER, Emile GUEDENEY victime de son dévouement et de son devoir était arrêté par les sinistres sbires de la Gestapo. 15 jours plus tard il sera fusillé le 1er Mars 1944.
Hommage de Victor CHAUDRON à René YAOUANC :
Il y a trois semaines, la terre de notre petit cimetière s’ouvrait déjà pour recevoir la glorieuse dépouille d’un enfant de Villeberny : Emile GUEDENEY, dont je veux rappeler ici la mémoire.
Aujourd’hui, c’est un de ses enfants adoptifs que notre village accueille, car René YAOUANC a bien été adopté par notre population en mars 42. René, ainsi que nous avions l’habitude de l’appeler, fuyant la ville inhospitalière où il aurait dû travailler pour l’ennemi, ne craignait pas de venir au cœur de l’Auxois, se mêler à notre population paysanne et durcir ses mains au contact de ses rudes travaux. Je puis dire que René fit l’admiration de tous par la rapidité avec laquelle il s’adapta à ces travaux si différents de ceux qu’il avait l’habitude de faire. Au travail son endurance et son courage n’avaient d’égaux que sa gaieté et son entrain. Tous nous aurons longtemps devant les yeux l’image de ce grand gars aux yeux rieurs, partant au travail, d’un pas calme et décidé des paysans dont il avait vite emprunté l’allure, mais bien vite une parole plaisante et gaie trahissait sa véritable origine.
Le bon caractère de René était tel qu’il en arrivait à rire de ses propres peines. Son bon cœur lui avait acquis l’estime et même l’amitié de tous. Il aimait également à rendre service. Et le plaisir était certes plus grand pour lui que pour le bénéficiaire. Cependant l’ennemi était chez nous. Le bruit de la bataille se rapprochait de nos frontières. L’allemand manifeste à cette époque quel qu’impatience, et s’efforce d’embrigader notre jeunesse qui refuse de se soumettre. Je dois dire ici que René fut un des premiers que je solliciterai pour former un noyau de résistance. Cette proposition correspondit chez lui à un ardent désir qui depuis longtemps le tenaillait. L’ardeur patriotique faisait bouillir le sang de ce jeune breton comme il aimait à le rappeler. En effet dans l’âme de ce jeune patriote revivaient les solides vertus françaises de cette province de Bretagne qui ne marchanda jamais son sang au service de la Patrie. Le 15 Novembre 43 René prêtait le serment de Franc-Tireur et adoptait le nom de André DAGORNE.
René à l’appel de sa classe par Vichy n’hésite pas un seul instant. Le 24 Novembre 1943 au soir il vient me trouver et me dit : « je suis prêt à partir, emmène-moi au maquis ». Et c’est alors un départ dans la nuit avec un mince bagage, vers l’inconnu et le mystère où rôde sans cesse la mort. Mais René n’abandonnera jamais pour autant sa bonne humeur parisienne et son intrépidité de breton. Aumaquis ses chefs estiment l’une et l’autre, il est bientôt nommé chef de groupe. Puis c’est la triste et lamentable affaire WERNER. Les groupes sont dispersés. André DAGORNE en soldat discipliné se rend à Etalente où il doit revoir ses chefs et recevoir des ordres. Hélas suivant les indications de ses sinistres mouchards, la Gestapo le suit, c’est alors le combat que René et son camarade Lavaux acceptent aussitôt. Ils se défendent l’un et l’autre héroïquement. Lavaux est tué à côté de lui. Lui-même blessé est bientôt mis hors de combat et capturé par les sbires de la Gestapo. René est emmené à Dijon où malgré les tortures, tout le laisse supposer il demeure muet. En effet aucun de ceux qui l’ont approché d’une façon ou d’une autre ne furent inquiétés. Enfin après la sinistre comédie de la Salle des Etats de Bourgogne, René YAOUANC était condamné à mort et exécuté le 1er Mars 1944.
Quelle noble figure que celle de notre héroïque camarade. Et si l’on souhaite employer le terme de héros c’est bien à lui qu’il faut l’appliquer. Doublement héroïque est la mort de René parce que rien ne l’obligeait en conscience ni en fait à s’engager dans cette voie de danger et de sacrifices qu’était celle de la Résistance. Il aurait pu, comme bien d’autres, attendre. A Etalente il se bat sans espoir de
vaincre parce qu’il a juré de ne jamais se rendre. A Dijon, il ne cherche pas non plus à sauver sa vie par des aveux précieux pour l’ennemi. Aussi n’hésiterais-je pas à dire que c’est un honneur insigne pour notre petit village de posséder dans la terre sacrée de son cimetière la glorieuse dépouille de ce jeune héros. Que sa mère cruellement éprouvée, que René aimait tant, voie ici l’expression de notre profonde sympathie et de nos condoléances émues, mais aussi de notre reconnaissance pour avoir confié à notre garde le dépôt précieux qu’est le corps d’un martyr de la Patrie.
Soyez en effet certaine, Madame, que votre cher enfant reste ici au milieu de camarades qui l’aimaient au milieu d’amis qui l’estimaient, au milieu de toute une population qui l’admire.
Mourir pour la Patrie est un si digne sort. « Qu’on briguerait en foule, une si belle mort » dit notre grand poète Corneille. Eh bien mon cher René, je crois que tu briguais réellement cette mort glorieuse. Deux fois je t’ai entendu encore me dire en cette fameuse nuit de Noël 1943, en plein maquis, « à force de voir la mort de près, on finit par ne plus la craindre et l’on y va hardiment ». Sache mon cher camarade que ton sacrifice cruel pour les tiens a été un gage de la Libération de notre cher pays. Cette noble cause pour laquelle tu as souffert et pour laquelle tu es mort, notre cause a triomphé. Notre belle France est presque entièrement libre.
Cependant nous attendons encore plus de ton sacrifice, car il faut que le sang de tous nos martyrs soit le ciment de la réconciliation entre tous les français. Que les jeunes français, en particulier, à l’exemple de nos maquisards tombés glorieusement, maintiennent à tout prix la grande fraternité qui existait au maquis. Afin que ne soit pas vain le sacrifice de tous nos martyrs de France, le sacrifice des martyrs de l’Auxois, le sacrifice d’Emile GUEDENEY, celui de René YAOUANC, tous d’un seul élan, d’un même cœur, la main dans la main, dans ce village dans tous les villages et les villes de France, lançons-nous à la suite de tous nos héros à la poursuite du même et sublime idéal : la reconstruction de notre belle et douce France.